La gang des quatre: Jean-François Racine, Benoît Lévesque, Chantal Julien et Chantal Ouellet.
Paroles de peintres
L’influence du Japon se remarque dans les tableaux très
lumineux de Benoît Lévesque dont le thème de prédilection est la nature. On y
reconnaît les cerisiers en fleurs, avec une prédominance de la couleur rose.
« Nous avons séjourné là-bas exactement pendant cette période si belle où
l’on observe une explosion de couleurs quand les cerisiers fleurissent »,
livre l’artiste encore très enthousiaste à
l’évocation de son séjour. Ce qui l’a marqué aussi c’est le très grand
respect des Nippons pour le métier d’artiste. « Ils sont artistes pour la
vie et aiment les choses bien faites, ils prennent le temps de réaliser leurs
œuvres ». Cette rencontre a également fait tomber les préjugés sur l’art
japonais. « Il ne se limite pas à la calligraphie et aux techniques anciennes,
la peinture explose dans différents styles au Japon, autant qu’à Paris ou à New-York », ajoute Benoît Lévesque. Pour
un amoureux de la nature comme Benoît, le Japon a été une fantastique source
d’inspiration. En effet, 130 millions de Japonais vivent sur 30% du territoire,
le reste est recouvert de montagnes et de grands arbres.« Depuis mon retour,
ma vision de la nature est plus douce, plus épurée», conclut l’artiste.
Les tableaux de Benoît Lévesque.
Chantal Julien a couché sur quelques-unes de ses toiles des
personnages aperçus dans les rues au Japon, sans oublier pour autant son thème
favori, les paysages. C’est ainsi qu’on découvre un vieux monsieur sur son
vélo, coiffé d’un petit chapeau et une rue avec des passants sous la pluie. Chantal,
comme ses autres compères, a été marquée par les geishas. Et plus exactement
par les Geïko, les geishas de Kyoto. Faute d’avoir pu assister à leur spectacle
dans le quartier de Gionz, les Québécois ont joué les paparazzis à la sortie de
la représentation. Et le visage de l’une de ces dames, qui sont des artistes
accomplies, est reproduit sur l’un des tableaux de Chantal. « Le plus dur
est de réussir à peindre les yeux », confie Chantal qui s’est passionné
pour le Japon dont elle apprend la langue et a déjà le projet d’y retourner.
Elle aussi a été impressionnée par le soin et la minutie que les peintres
japonais apportent à leur travail. « Ils prennent le temps de bien faire
les choses et sont très soigneux, dans toutes les professions ! J’ai été
surprise de voir que les chauffeurs de taxi portaient des gants blancs pour
conduire », raconte-t-elle. Pendant une journée, avec sa collègue Chantal
Ouellet, elle a porté le kimono traditionnel. Loin d’être vexés par ce qu’ils
auraient pu prendre pour un déguisement, les anciens ont été touchés par cette
attention portée par les Québécoises à leur culture.
Le vélo, de Chantal Julien.
Quant à Jean-François Racine, son regard d’artiste est
toujours proche de celui de sa formation initiale, les sciences politiques.
Derrière cette très grande politesse des Japonais et leur culture si riche, il
détecte un grand antagonisme entre les générations. « Un peu comme chez
les Amérindiens », précise-t-il en faisant un parallèle avec les invités
du festival Rêves d’automne de cette année. Pour lui, « la nouvelle
génération est perdue entre la culture des ancêtres et le capitalisme actuel ».
Il a également été très surpris par la place que prennent les mangas (des
bandes dessinées japonaises) dans la vie des Japonais, et notamment des plus
jeunes. « Dans les rues des grandes villes, j’avais l’impression que les
gens sortaient tout droit des mangas ! Ils ont souvent l’air androgyne et
surtout je les sentais extrêmement seuls », ajoute l’artiste qui a peint
ses « personnages » de mangas. Autre paradoxe noté par Jean-François,
le gaspillage énergétique dans les grandes villes où les enseignes
publicitaires sont allumées en permanence. Alors que depuis la catastrophe de
Fukushima, l’Etat nippon a décidé de fermer les 54 autres centrales nucléaires
du pays.
Les rues des grandes villes peintes par Jean-François Racine.
Chantal Ouellet a trouvé le Japon merveilleux. « Ce
voyage m’a donné le goût de continuer dans mon envie de peindre »,
explique la jeune femme dont l’activité professionnelle est parfois trop
prenante pour qu’elle puisse se consacrer à sa passion, la peinture. Si elle a
apprécié la qualité d’écoute et le perfectionnisme des artistes japonais, elle
a tout de même vécu « le choc des cultures ». Au retour, Chantal
Ouellet a peint un samouraï à trois têtes, symboles de ses divers traits de
caractères : bon, méchant et neutre. D’un coup de pinceau, elle a « décapité »
ce personnage symbolique de l’histoire du Japon. « J’ai fait jaillir de
ses trois têtes des oiseaux, symboles de la liberté d’esprit et de la
libération du conflit intérieur », conclut-elle. Tout comme Chantal Julien,
elle s’est mise à l’apprentissage du japonais et prépare déjà un nouveau séjour
dans ce pays dont les habitants ne sont pourtant pas « faciles à approcher ».
Le samouraï à trois têtes de Chantal Ouellet. |